samedi 7 avril 2018

Les règles non écrites du surf, niveau avancé : Part 1


Dans un précédent article, nous avons énuméré les règles de base, celles-ci permettent aux surfeurs de partager les vagues sans sombrer dans le chaos et sans se blesser. Ainsi : le surfeur le plus au pic est prioritaire, il ne doit pas démarrer sur une vague déjà surfée, ne pas taxer, ne pas gêner les surfeurs plus au large et être responsable de son engin.

Hélas, le surfeur un peu aguerri va tenter souvent d'user et d'abuser de ces règles, on dit alors qu'il ragasse, snake, fait l'intérieur. A l'instar du bébé qui veut systématiquement la plus grosse part du gâteau, certains surfeurs détournent les règles de priorité à leur avantage pour pouvoir se goinfrer. Le bon sens ne suffisant pas, les règles de base doivent donc être enrichies de nouvelles règles, sortes d'amendements à la loi.

Prenons l'exemple du code de la route : selon la règle, l'automobiliste engagé le premier sur un rond point gagne la priorité sur les voitures à sa suite. Dès lors, à l'entrée du rond point, certains, au lieu de ralentir, vont accélérer pour forcer le passage. Celui qui respecte la limitation de vitesse, même s'il était le premier, va devoir piler pour éviter la collision. Ce faisant, il va s'incliner devant qui se croit plus pressé que les autres, plus chez lui, plus intimidant ou plus malin. Le plus pressé, plus gourmand, en voiture comme en surf, va vouloir écraser les autres, sûr de son droit, en s'abritant de surcroît derrière une règle qu'il aura corrompue.

Être compétitif, on le voit lors des étapes du championnat du monde de surf, conduit souvent à faire de la règle une utilisation mesquine, dans le but de défaire ses adversaires. Même alors, les fourberies qui consistent à pousser à la faute le surfeur non prioritaire sont perçues par la profession comme une manière peu honorable de remporter la victoire.

Le compétiteur qui commet une faute d'interférence se voit retirer la meilleure note de la série, souvent cela lui est fatal et il perd sa série en dépit de ses prouesses sportives. A sa grande frustration, il arrive fréquemment qu'il soit poussé à la faute par un adversaire mal intentionné. Dans cet extrait vidéo, Gabriel Medina a la priorité. On observe qu'il vient se coller à son adversaire et simule une gêne sur une vague à faible potentiel qu'il a prise uniquement pour provoquer une interférence.



Revenons au free surf : là, les surfeurs en présence sont plus nombreux, la plupart viennent se détendre et non pas vaincre un adversaire imaginaire, aussi les comportements de type snaking ne peuvent occasionner que tensions et débordements.

Classons tout d'abord les vagues en deux catégories : la vague multipic et la vague parfaite. Leurs particularités permettent d'illustrer les ajustements nécessaires à certaines règles.

1. La vague multipic


Il arrive souvent sur un beach break que les vagues se forment à droite à gauche, au petit bonheur la chance. Les vagues peuvent par ailleurs être de qualité, selon les aléas de la météo.
L'avantage de ce type de conditions, c'est qu'elles tolèrent un plus grand nombre de surfeurs. Éparpillés sur une surface plus étendue, il leur suffit de patienter pour qu'une vague finisse par se former à leur hauteur. Contrairement à la vague parfaite qui possède souvent une seule zone de take-off, précise et circonscrite, le spot multi-pic offre une multitude de zones de départ et d'occasions de surfer.
Combien est-il agaçant alors de voir les surfeurs ramer à droite à gauche, secoués de spasmes, dès qu'ils aperçoivent une ondulation, alors qu'il leur suffirait d'attendre. 

Imaginons deux surfeurs, chacun sur son pic, éloignés l'un de l'autre de quelques dizaines de mètres. Les vagues déferlent une fois sur le pic de gauche, une autre fois sur le pic de droite, avec de longs intervalles entres les séries. Le bon sens voudrait que chaque surfeur attende sur son pic, puisque la série déferle alternativement sur l'un ou l'autre pic. Si le surfeur de gauche, à la vue d'une série, se précipite vers le pic de droite pour se placer en position de priorité sur le surfeur qui attend cette série depuis dix minutes et lui piquer la vague, il peut se passer deux choses :

Le deuxième surfeur, frustré de s'être fait piquer la vague, va lui aussi commencer à naviguer d'un pic à l'autre comme un agaçant petit frelon et les deux surfeurs vont se faire la guerre inutilement, puisque ils étaient seulement deux à l'eau !!!
Ou alors, le surfeur refuse de se faire piquer la priorité mais n'a pas envie de tourniquer frénétiquement autour de son camarade, devenu un rival, et il va tout simplement le taxer. On appelle cela la pédagogie du partage.

Parfois, il n'y a pas plus de six personnes à l'eau mais un seul individu peut dégrader le fragile équilibre au pic.

2. La vague parfaite et la règle du roulement


La vague parfaite est la vague de récif qui lève et déferle toujours au même endroit. La zone de take-off se situe à un endroit précis, parfois très réduit, ce qui induit une utilisation raisonnée de la règle de priorité. Les bancs de sable landais, malgré l'absence de fond rocheux, offrent fréquemment des conditions de ce type. La vague parfaite permet d'illustrer admirablement les limites des règles de base du surf. Et d'expliquer les ajustements qui en découlent.

Premièrement, le point A de la zone de take off est connu de tous, il est donc facile d'aller se placer au delà de tous les autres surfeurs pour se mettre en position de priorité. Au delà de ce point, il est difficile voire impossible de démarrer : techniquement ou physiquement à cause de la présence d'une falaise ou de rochers.
Rien n'empêche donc un surfeur, techniquement, d'aller se replacer constamment en position de gagner la priorité alors qu'il vient de prendre une vague. Si le nombre de surfeurs au point A est trop élevé par rapport à la fréquence des vagues, les autres surfeurs n'auront pas eu le temps de prendre leur vague que le ragasseur sera déjà revenu en position de départ et leur soufflera ainsi chaque vague de la série.

Parfois, un petit groupe de potes va ainsi bloquer le pic : alternativement, ils vont privatiser la zone de priorité. Cela va conduire les autres surfeurs à vouloir aller plus loin à l'intérieur pour être prioritaires et à démarrer au delà de la zone appropriée, ce qui ne leur permettra pas toujours de passer la première section et de nombreuses vagues seront gâchées.
De plus, pris en tenaille entre deux de ces surfeurs, constamment replacés au pic, les autres usagers du spot n'auront jamais la chance d'être prioritaires.

C'est là qu'une règle supplémentaire vient s'appliquer. Spécialement sur un spot où la vague lève toujours à peu près au même endroit. Un roulement doit avoir lieu. Le surfeur mieux placé, prioritaire donc, lorsqu'il a pris sa vague, ne remonte pas immédiatement au pic, il attend que les autres aient pris à leur tour une vague, avant de revenir se placer à l'intérieur. Au minimum, il patiente un peu avant de remonter tous les autres surfeurs. Il n'est pas invisible, personne n'est dupe de son petit jeu égoïste.

Ainsi, à niveau égal, tout surfeur confirmé est en mesure de chercher la position prioritaire. C'est pourquoi, en compétition, entre surfeurs d'excellent niveau, un turn over est mis en place à partir de la première prise de priorité. Quel que soit leur placement sur la même vague, les surfeurs auront la priorité à tour de rôle. 

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