jeudi 14 mars 2019

Adam et Eve croquent la vague sur Instagram, part 1

Le surf, idéal new âge d'un retour à la nature, de voyage initiatique et de quête d'identité est devenu un des multiples avatars du néolibéralisme : aussi, les premiers pionniers, découvreurs de vagues vierges, ont-ils été suivis de près par des hordes de promoteurs, tours operateurs, bétonneurs avides de profit et nombre de Paradis du Surf, perdus à jamais, sont devenus des enfers balnéaires.

Jérémy Lemarié, De la sportisation du surf en Californie du Sud et à Hawaï..., co-auteur de Surf à Contre courant, une odyssée scientifique, décrit l'émergence des premiers surf trips dans les années 1960 et 1970 comme un outil de renforcement de l'impérialisme américain.

Le marché du surf trip


Bien qu'il existe en toute chose des zones grises, on peut distinguer 2 types de surfeurs voyageurs :

1. Le surfeur pragmatique souhaite consommer des vagues au soleil, avec une culture locale appréhendée comme un vague décorum, quelque chose de secondaire. A l'image d'une société qui chérit la vitesse et le profit, il voyage pour consommer des vagues. Le boat trip est l'illustration parfaite de cette démarche de rentabilité.

2. Le surfeur baroudeur est en quête d'authenticité culturelle autant que de vagues, il considère que le voyage véritable nécessite de s'éloigner du tourisme de masse et des politiques balnéaires standardisées et d'aller à la rencontre des populations locales. Sortir des sentiers battus demande du temps, s'accompagne de petites galères qui font, de son point de vue, le piquant du voyage.

A l'heure d'une prise de conscience mondiale de la nécessaire préservation des ressources naturelles et sociales, tout le monde parle de "développement durable". Ainsi, en marge du tourisme bétonneur qui se perpétue, on assiste à une éclosion mondiale d'écolodges, souvent hors de prix. 
A l'image de la disparition du camping comme moyen d'accès aux vacances pour les classes populaires (à présent, les emplacements de tente ont disparu au profit de mobil-hommes de plus en plus couteux et luxueux), l'écolodge a permis à toute une génération d'apprentis hôteliers de proposer des logements spartiates à des prix prohibitifs : en effet, l'économie d'énergie permet, parfois, de justifier le manque de confort. La rapacité et l'appât du gain peuvent alors se draper de vertu. En Indonésie, la cabane de bambou avec son matelas moisi pour 5 euros la nuitée en 2002, se vend aujourd'hui 100 € parce qu'elle s'est estampillée "Ecolodge".
Ainsi, une destination de routards se transforme en destination de riches. Aux Seychelles, l'écolodge n'est accessible qu'à une frange aisée de la population, il s'agit d'un produit de luxe à la hauteur de ses prétentions tarifaires, avec jacuzzi, cuisine raffinée et tout le tralala.

Pour le sociologue Bernard Duterme, auteur de La Domination Touristique, il est vain de différencier des pratiques touristiques, certaines vertueuses, d'autres franchement délétères, car elles correspondent toutes à des segments d'une même économie de marché. Une vision à découvrir dans son article sans concession sur la mise en tourisme du monde


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