vendredi 7 avril 2017

Anthropologie du surf : le localisme, part 2

Le localisme en France


A Hawaï, Tahiti ou La Réunion où les arts martiaux mixtes sont très populaires, le localisme s'exprime souvent par la violence physique. En France, elle relève plus de l'intimidation ou du perçage de pneus : ça gueule, se jette de l'eau au visage, on est plus proche de la poule hystérique qui défend ses œufs. Là où depuis la nuit des temps, des visionnaires ont imaginé des manières de vivre ensemble harmonieusement, le hot local, en poussant ses cris de guenon, déconstruit en 15 secondes l'espoir d'une élévation spirituelle de l'homme.

Toutefois, il faut distinguer celui qui est effectivement un surfeur local, et n'a pas à en rougir, de celui qui passe son temps à vouloir en faire la démonstration, envers et contre tous, par un comportement de territorialité. Ceux qui appartiennent à cette seconde catégorie sont d'ailleurs très souvent des pièces rapportées et les locaux les plus authentiques ne passent pas leur temps à s'autocélébrer.

Bien évidemment, le surfeur, local ou occasionnel, mérite un minimum de respect et lorsque la pression humaine doublée de comportements anti sportifs devient trop forte, le surfeur n'a d'autre choix que de protester.
Mais c'est là aussi que se trouve la genèse du localisme. Il est bien sûr absurde de s'imaginer qu'il y a d'un côté, les locaux qui respectent les règles du surf et de l'autre, les surfeurs de passage qui font n'importe quoi. Malheureusement, il est facile de stigmatiser l'étranger, à l'instar de nos hommes politiques, qui rejettent sur les faibles la faillite du système corrompu qui les a portés au pouvoir.

Prenons l'exemple de Hossegor où presque tout le monde semble surfer, classes sociales, âges, métiers confondus. Le nombre d'habitants surfeurs y est tel qu'ils ne se connaissent pas tous, ainsi dans 90 % des cas, un accrochage à l'eau va opposer deux locaux.  L'argument de l'appartenance géographique n'en sera que plus pathétique. Faute de pouvoir s'en prendre à l'étranger, au touriste qui l'hiver venu déserte les plages landaises, on fait face dès lors à plusieurs comportements type :

  •  L'esprit de clocher : le surfeur du village voisin n'est pas le bienvenu. Héritage des rivalités de villages du Moyen-âge, lorsque le peuple était un peu fruste ? Certains bébés Thrumps voudraient ériger des frontières de lilliputiens autour de leurs bancs de sable pour empêcher l'intrusion de leurs voisins.

  •  L'incivilité : le surfeur ne dit plus bonjour. Le planchiste qui ne répond pas à votre salut a peut-être des bouchons. Ce peut être aussi une manière passive de marquer son hostilité. Sur une plage du sud des Landes, quelques locaux ont récemment institutionnalisé cette pratique : "Puisque c'est comme ça, on dit plus bonjour, nan !". Ça peut sembler puéril,... et en réalité, c'est bel et bien puéril, mais sans l'excuse du jeune âge !

  •  Le Jon Wayne : le surfeur fait la gueule, en guise de bonjour, il vous répond d'un hochement de tête taciturne. Demandez lui de vous jouer de l'harmonica, ça le détendra !
  •   Le droit de cuissage : Seigneur en son fief, le prétendu local s'arroge le droit de priorité sur toutes les vagues, et autres passes droit, s'autorise les mêmes comportements qu'il reproche aux autres et finit par constituer une source de nuisance pour tout le monde, y compris pour les autres locaux.

  • L'hommage à Neandertal : là où une discussion amicale, avec sujet, verbe et complément, eut suffit à régler un différent, le local du bac à sable préfère hurler.  




Surfeur, l'adversaire imaginaire 


Le local grincheux ne supporte pas l'augmentation du nombre de surfeurs, il va jusqu'à renier l'utilité du tourisme, qui a pourtant amélioré sa qualité de vie : emplois, vie culturelle, retombées économiques directes et indirectes, accès à des matériels techniques surf variés et de qualité. Certes, le prix de l'immobilier augmente car de plus en plus de monde s'installe et investit dans la région.
Mais sa solution, quelle est-elle, faire la gueule quand il va surfer, crever un pneu, taguer un panneau en bord de plage ? Le localisme, s'il entend faire la police du spot, finit généralement par exercer une justice à sens unique, source de jugements à l'emporte pièce, de xénophobie, de malentendus et de tensions inutiles.  

Bien sûr, voyager c'est aussi respecter les locaux. Plus globalement, surfer, c'est respecter un certain nombre de règles communes à tous les surfeurs, qu'ils soient Français ou Brésiliens, de Seignosse ou de Capbreton. Bafouer ces règles du surf contribue à créer les conditions d'un conflit latent, qui ne va pas forcement créer du localisme, mais n'en est pas moins une première étape dans l'escalade de la violence : en semant de l'incivilité, de la dangerosité et de la tension, le surfeur récolte parfois ce qu'il a semé.

Le méchant local, je le vois plus comme un père fouettard pour les adultes, une créature imaginaire pour surfeur immature :  pour qu'il partage le gâteau et soit gentil avec ses petits camarades, ce surfeur a besoin parfois qu'on lui tire un peu les oreilles.   

Mon conseil au vu de l'augmentation du nombre de pratiquants, embrassez les règles de base du monde civilisé : soyez polis, respectez la discipline surf et ses pratiquants, préférez la communication à la vocifération !

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